« Ce n’est pas comme cela que tu réussira dans la vie Mirkhą ! L’échec n’est pas tolérable !! Répète le ! » « L’échec n’est pas tolérable… » La petite fille aux cheveux de blé et au visage d’ange n’avait alors plus rien de grandiose. Presque recroquevillée sur son piano, elle jouait depuis plus de trois heures sans interruption. Et la douleur qui la lançait cruellement du bout des doigts jusqu’aux épaules lui tirait de grosses larmes qui roulaient sur ses joues roses. Mais la musique continuait… les erreurs et les fausses notes aussi. Quand elle avait commencé à jouer du piano elle n’avait pas 4 ans. Comme toutes les autres activités qu’elle menaient de front d’ailleurs : danse classique, équitation, échecs, théâtre, langues étrangères… Sa mère n’avait de cesse de la jeter en pâture à ses amies belliqueuses, toutes aussi riche les unes que les autres, à comparer leurs enfants pour savoir lequel était le plus brillant. « Piotr lui… avait 6 ans lorsqu’il remporta le prix international junior de l'Académie Bach de violoncelle ! » « Oh certainement ma chère c’est impressionnant ! Saviez-vous que Yulia vient de décrocher le 1er rôle de Casse-noisette après seulement un an de classe à l’Opéra de Moscou ? » L’hypocrisie des grands… montés sans cesse sur leurs grands chevaux... comme si les riches n’avaient d’amis que pour les surpasser, prouver au plus grand nombre qu’ils ont plus d’argent qu’un tel ou un tel en achetant leur 8ème villa, cette fois sur les côtes de Sicile. Toutes ces cérémonies n’avaient pas de mystère pour Mirkhą, qui avait baigné dedans depuis toute jeune… mais n’avait jamais reçut que des regards méprisant de la part de ses adeptes, soigneusement sélectionnés.

La gifle aussi sonore que sèche ébouriffa sa jolie crinière, et elle étouffa un sanglot en se mordant la lèvre jusqu’au sang. « Arrête ! Arrête Mirkhą c’est insupportable ! Oh ce que tu m’agace !! Sauras-tu un jour faire quelques choses de tes 10 doigts ?! Dépêche-toi d’aller te changer pour le cocktail des Voloswich… » Comme si toutes ses forces venaient de la quitter, la mère de Mirkhą s’effondra dans un divan, se massant les tempes avec un air catastrophé. Le truc, c’était que sa fille n’avait jamais été à la hauteur de ses espérances. Jamais meilleure en danse que Yulia Bradford, jamais aussi bonne mélomane que Piotr Gasov, pas asser douée en équitation pour exceller en compétition… aucunes des disciplines auxquels Mirkhą se soumettaient ne le mettait suffisamment en valeur pour que sa mère brille aux yeux de toutes ses amies et de leur progéniture ‘témoin’. Elle, c’était la fille unique, que ces parents avaient eux tant de mal à concevoir… et qui se montrait si décevante ! L’exemple inverse que donnaient les mères pour motiver leurs enfants « Tiens, regarde la petite Mirkhą, tu ne voudrais quand même pas être comme elle non ?! Alors applique toi un peu…»

Se faisant le plus discrète possible, Mirkhą glissa de son tabouret. Ses mains la faisaient extrêmement souffrir mais elle préférait ne pas s’en plaindre. Rasant presque les murs de l’immense salon, elle marchait à pas de loup pour ne pas se faire remarquer. Et lorsqu’elle atteignit les escaliers, sa mère reprit la parole d’une voix lasse et exténuée « Et arrange toi, j’en ai asser d'avoir honte ! »

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« Oh… Mirov je n’en peu plus, cette enfant le rendra folle !! » L’homme en question, le père de Mirkhą baissa avec mécontentement le journal d’économie qu’il lisait avec concentration chaque matin. Il soupira discrètement, et observa la scène. Sa femme faisait les 100 pas dans le salon, l’air contrarié. Depuis quelques temps, il la trouvait plus nerveuse et plus enclin à s’énerver, tremblante à chaque contrariété. Le visage clos de celle-ci n’exprimait qu’une chose : l’agacement le plus profond. Puis il tourna son regard vers sa fille de 14 ans, immobile dans un coin de la pièce. Mirkhą n’avait jamais posé de problème à Mirov, qui était conscient de tout ce que sa mère exigeait d’elle. C’était une enfant discrète, silencieuse et obéissante. Elle ne le dérangeait jamais, lui parlait peu : c’était parfait. Au moins il n'avait pas à se la coller comme certains de ses associer, ce qu'il trouvait insupportable. Comme toujours, sa fille fixait le sol sans relâche, évitant avec soin le regard d’un de ses deux parents en signe de soumission totale. « Qu’est ce qu’il y a encore ? » La phrase, sèche et tranchante comme un coup de couteau de bouché avait presque fait sursauter Mirkhą qui resserra ses mains l’une contre l’autre. Et devant son silence, sa mère revint se planter devant elle, gesticulant avec exagération. « Et bien Mirkhą… qu’est ce que tu attend ? Nous n’avons pas toute la journée ! » Impassible, son père attendait toujours en la fixant de ses yeux bleu de glace, intimidant encore plus la jeune fille qui suffoquait presque sous la pression. Elle triturait ses mains, dans une angoisse interminable. Puis enfin, elle parvint à articuler de sa petite voix presque inaudible « Je … je… Katalin fait une fête … pour… son anniversaire et… » Mais elle n’eut pas le luxe de continuer sa phrase que sa mère la coupait sur un ton théâtral « Et l’imbécile pense pouvoir y aller ! Non mais j’aurais tout entendu ! » Pour se remettre ensuite à faire des allers-retours comme un lion en cage.

Après quelques secondes de réflexion, son père, aussi blond qu’elle haussa les épaules et reprit la lecture de son journal en déclarant « Qu’elle y aille, qu’est ce que cela peu me faire ? » L’hystérie de sa mère fut presque immédiate. Elle se mit à hurler en remuant de plus belle. « Y aller !! Mais tu n’y pense pas Allan ! Cette Katalin n’est pas une bonne fréquentation !! Pas du tout ! C’est la fille du chauffeur ! » La voila qui repartait sans l'une de ses crises de nerfs. L’instabilité de sa mère avait toujours été quelque chose de terrifiant… elle dérivait cette fois dans un monologue (à très haut niveau sonore) sur ces pauvres qui pensaient pouvoir obtenir l’amitié des riches au même titre qu’un milliardaire. Mais non ! Les riches restaient avec les riches, les pauvres les servaient… là en restait leur relation. « Tu n’espère pas voir ta fille trainer avec la gamine du grouillot ?!! Avec une attitude pareille je comprends pourquoi elle ne vaux pas mieux qu’eux !! Cette enfant attire la honte sur notre famille ! » Un regard de Mirov, presque accablé perça au dessus de son journal. Mais il ne fit pas de remarque. Mirkhą était une jeune fille douée, il le savait, dans beaucoup de domaine. Elle parlait couramment 4 langues, se débrouillant dans bien d’autres. Cuisinait, cousait, savait très bien monter à cheval, dansait merveilleusement bien et jouait des mélodies charmantes au piano en plus de quelques autres activités où elle maitrisait les bases. Peu de jeune fille était aussi cultivée qu’elle, mais son épouse ne le voyait pas comme cela. Puisque Mirkhą n’était pas la meilleure dans une catégorie distincte et qu’elle ne pouvait pas la brandir comme un trophée devant ses amies, Mirkhą était une bonne à rien.

« Dans ce cas qu’elle n’y aille pas… je peu lire mon journal ? » Folle de rage, la mère de famille partie dans des hurlements plus puissant encore, et sortie de la pièce en fulminant… sans doute téléphoner à son coach de yoga… ses chakras le réclamant à corps et cris. Mirkhą resta alors seule en face de son père, silencieuse. Une larme coulait le long de sa joue. Pleurer, elle le faisait tout les jours et ne parvenait jamais à se retenir. Mais au moins elle avait apprit à le faire en silence, et évacuait ainsi une partie de sa frustration, de sa tristesse et de son mal-être. Le nez toujours baissé, elle resta là à attendre. Les minutes s’enchainèrent, son père tournant les pages de son journal. Quand il eu fini, il s’aperçut enfin avec surprise que sa fille était toujours là. Il lui jeta un regard neutre, avant de déclarer de sa voix plate, sans émotion « Tâche de ne pas contrarier ta mère à l’avenir. »

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UC